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Détail d’un fragment de console ornée du XVe siècle conservée in situ

Recherches archéologiques

Place Royale et Palais du Coudenberg

 

Les fouilles dans l’ancien palais – Place Royale et rue Royale

Place Royale : vue d'ensemble des fouilles de l’Aula Magna (SRAB)

La redécouverte de l’ancien palais de Bruxelles, ravagé en 1731 par un incendie accidentel puis rasé en 1775, s'est poursuivie pendant plusieurs années par des fouilles archéologiques systématiques conduites par la SRAB, sous la direction du Professeur Pierre Bonenfant, avec l’autorisation du Collège de la Ville de Bruxelles et l’appui des Services techniques.

L’ancien palais se situait en partie seulement sous l’actuel Palais Royal. De 1995 à 2000, les chantiers ont révélé d’abord le plan complet du bâtiment de la salle d’apparat édifié au milieu du XVe siècle sous le duc de Bourgogne Philippe le Bon. Ce grand édifice occupait un quart de l’actuelle place Royale (l’angle Nord). Ensuite, un important tronçon du corps de logis, constituant l’aile Nord du palais, apparut un peu plus loin sous la rue Royale. Une partie de l’aile Sud du palais fut enfin dégagée au pied de la statue de Godefroid de Bouillon, au centre de la place Royale.

Ces découvertes sont venues s’ajouter au plan, complet lui aussi, de la chapelle du palais, édifiée sous Charles Quint. Monumenten en Landschappen, Marcel M. Célis et Dirk Van Eenhoge, ont pu l’établir, dès avant les fouilles, par l’analyse des reconstructions du XVIIIe siècle liées à la création du bâtiment situé à l’angle de la place Royale et de la rue Royale (Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale).

Ainsi, toute l’aile Ouest de l’ancien palais est désormais connue. Son emprise de 100m x 20m regroupe la « grande salle » ou Aula Magna de Philippe le Bon (construction 1452-1460) et son prolongement : la chapelle de Charles Quint (construction env. 1525-1550).

Longeant extérieurement cette aile, un espace public, la rue  Isabelle, allait au XVIIe siècle relier directement le palais à la collégiale de Bruxelles (actuelle Cathédrale Saints-Michel-et-Gudule). Le dernier tronçon actif de cette rue devait disparaître à partir de 1923 dans la construction du Palais des Beaux-Arts (architecte Victor Horta).

Le corps de logis du palais se développait à peu près perpendiculairement à l’axe de la chapelle, vers l’Est. On en a retrouvé une grande et haute cave aux voûtes de pierres entièrement conservées (XIIIe siècle ou XIVe siècle). Elle avait été adossée, du côté Nord-Est, à un ancien mur défensif en pierre (XIIe–XIIIe siècles).

En 2003, c’est à l’angle Sud-Est de l’Aula Magna cette fois, et perpendiculairement à celle-ci, qu’est apparu un petit complexe de caves, privées malheureusement de leurs voûtes de briques. Il était desservi par un escalier. L’ensemble se situait sous le corps du bâtiment qui fermait la cour d’honneur et dont l’étage fut occupé autrefois par la Chambre de Comptes. Les éléments mis au jour constituent vraisemblablement une reconstruction du bâtiment (1478-1480) consécutive à l’insurrection des bruxellois après le décès de Charles le Téméraire († 1477). Au  XVIIe siècle fut construite l’imposante Tour de l’Horloge qui surmontait l’entrée cochère du palais. C’est près de celle-ci que débouchait l’escalier.

La particularité rare de ces découvertes bruxelloises est de nous faire découvrir, en réel, le plan terrier et même de nous mettre en présence d’importantes parties toujours en élévation. Les hauteurs conservées ont permis, après les fouilles, de réaliser des accès pour le public sous la surface moderne rétablie. Cet état de choses exceptionnel s’explique par la transformation radicale de la topographie originelle du Coudenberg à la fin du XVIIIe siècle et continuée au XIXe siècle.

En fait, lorsque vers le XIIe siècle au plus tard, un point fort fut aménagé par le duc sur le Coudenberg, la hauteur offrait un relief très dominant et bien circonscrit, position clé pour le contrôle et la défense du centre économique de Bruxelles, situé en contre-bas du versant abrupt. Deux ravins segmentaient nettement le rebord du plateau ; c’était, au Sud, le ravin large et marécageux où coulait un petit affluent de la Senne, le ruisseau de Ruysbroeck – à l’emplacement de la rue du même nom – et, au Nord, celui plus encaissé au fond duquel se trouvait le Coperbeek (sous les rues Terarken et des Sols). Ces deux cours d’eau, qui prenaient leurs sources vers la porte de Namur, ont aujourd’hui à peu près disparu de la ville.

Du côté du Coperbeek allaient se construire, en bordure du versant, le premier château, puis le premier palais, tous deux nettement séparés du parc (Warande) qui leur faisait face. Le château, devenu purement résidentiel à partir du XIVe siècle, profitait d’une vue superbe, non seulement sur le fond du ravin devenu espace d’agrément, mais aussi sur la première enceinte désaffectée et contiguë aux bosquets de la Warande. L’accès au fond du vallon allait être aménagé systématiquement par un étagement de terrasses, de rampes et d’escaliers.

Après l’incendie de 1731, vers la fin du siècle, s’élabore le projet de créer une vaste entité urbanistique, notamment au prix d’un énorme travail de comblement : le Coudenberg, devenu place Royale, va rejoindre le vaste quadrilatère du parc et des rues qui l’encadrent, établis sur la Warande. Les « bas-fonds » se trouvent dès lors largement gommés. Le comblement allait aussi gagner l’angle Nord de la nouvelle place où devait s’établir un nouvel hôtel particulier, précédé d’une cour d’honneur qui repoussait d’autant le corps de cette habitation sur la pente du versant de la Senne (ancienne cour des Comptes).

À vrai dire, le besoin d’une extension sur les versants est déjà perceptible dès le XIIIe-XIVe siècles. On avait alors aménagé une haute cave de pierre afin de mettre au niveau du Coudenberg le corps de bâtiment qui devait la surmonter. Le gain était encore minime. L’effort d’extension fut plus net avec la construction de l’Aula Magna située en bonne partie à la rencontre des versants de la Senne et du Coperbeek. L’effort devint tout à fait flagrant lors de l’édification de la chapelle de Charles Quint, implantée carrément sur la pente du ravin.

R. Cantagallina, Veduto di Brussela, Chapelle du Palais et Hôtel d'Hoogstraeten, 1612 (Pierre noire et sanguine, lavis d’encre brune sur papier beige, Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-Arts)

Le XVIIIe siècle a poussé cette entreprise d’élargissement jusqu’à sa conclusion ultime, par encavement ou comblement. Ce sont l’une ou l’autre de ces deux opérations qui nous ont valu le maintien de la grande cave des XIIIe-XIVe siècles, ou l’encavement de tout l’étage inférieur des salles basses de la chapelle de Charles Quint, ou les élévations de plusieurs mètres encore en place dans la partie Nord de l’Aula Magna, ainsi que, hors château, la longue descente de la rue Isabelle et une grande partie de l’ancien hôtel d’Hoogstraeten-Lalaing (rez-de-chaussée et, partiellement, caves et premier étage). Enfin, sous les épais remblais de la place des Palais, les bases architecturales des terrasses, rampes et escaliers, évoqués plus haut, descendant vers le fond du ravin ont de grandes chances d’exister toujours.

En bien comme en mal, ce bouleversement profond résulte d’une volonté urbanistique nouvelle, sans précédent dans l’histoire de Bruxelles, et qui produisit le plus vaste programme d’architecture urbaine jamais réalisé jusqu’alors dans la ville. Ce programme servira de point de départ à la création des grandes perspectives du XIXe siècle.

 


 

 Principaux résultats des fouilles en fonction de l’ordre chronologique des constructions.